Par Nicolas Klein.
Un article de la revue Conflits
Aux mois de septembre et octobre 2019, l’Espagne commémorait le deuxième « anniversaire »de la tentative de sécession de la Catalogne qui avait alors agité tout le pays.
À cette occasion, la discussion sur la qualité de la démocratie espagnole a connu un regain d’intérêt de toutes parts.
L’ESPAGNE : UNE DÉMOCRATIE CONTESTABLE ?
Traditionnellement, les indépendantistes catalans expliquent que l’Espagne n’a de démocratique que les apparences puisqu’elle n’accède pas à leurs désirs, et refuse notamment la tenue d’un vote sur la question sécessionniste.
Les amalgames faciles parsèment allègrement les considérations de ce type.
Bien évidemment, les indépendantistes font l’impasse sur tous les classements internationaux qui, année après année, placent notre voisin ibérique parmi les démocraties les plus abouties au monde.
Ils font aussi peu cas des multiples études qui ont été menées sur le caractère à la fois illégal et antidémocratique des décisions prises par la Généralité de Catalogne ces dernières années ainsi que de son discours sécessionniste.
Par ailleurs, lorsque les plus hautes instances de l’Organisation des Nations unies (ONU) ou les divers tribunaux internationaux ont eu à se prononcer sur cette affaire, ils ont toujours donné tort au monde sécessionniste.
Les mêmes indépendantistes se font également très discrets sur leurs propres violations des droits des citoyens catalans.
Que ce soit les enfants en général, les élèves en particulier, les fonctionnaires, les juges, les artistes ou la population dans sa globalité, tous ceux qui ont le malheur de ne pas communier dans la « religion » séparatiste sont l’objet de harcèlements, de violences diverses et de mesures très éloignées de la conception de la démocratie que disent défendre les séparatistes.
LE PARLEMENT CATALAN DANS L’ILLÉGALITÉ
Une illustration éloquente de cette conception du respect des libertés humaines au sein du monde séparatiste catalan a été donnée en septembre 2017.
Dans le contexte de l’organisation du référendum illégal du 1er octobre suivant, le Parlement régional (Parlament) a été utilisé à des fins pour le moins douteuses.
Il a en effet été amené à s’exprimer sur un texte nommé Loi de transition juridique et constitutive de la République.
Suspendu le 12 septembre 2017 par la Cour constitutionnelle espagnole en raison de ses multiples violations de la Constitution de 1978, ce texte se présentait comme une sorte de loi fondamentale provisoire de la future République catalane indépendante, dans l’attente de la rédaction et de l’adoption d’une nouvelle constitution.
LOI DE TRANSITION JURIDIQUE ET CONSTITUTIVE DE LA RÉPUBLIQUE
Notons en premier lieu qu’il est curieux que cette loi ait été approuvée par le Parlament avant le déroulement du référendum du 1er octobre, comme si l’avis concret des citoyens catalans n’avait de toute façon aucune importance pour la Généralité et que seul le « oui » à la sécession était une réponse acceptable.
Mais il y a bien plus grave.
Ce texte a en effet été adopté en bafouant les droits de la minorité parlementaire régionale, notamment par une modification de dernière minute de l’ordre du jour qui a empêché tout débat.
C’est ce qu’ont affirmé par la suite la Cour constitutionnelle espagnole et bien des experts en droit politique.
De nombreux citoyens catalans eux-mêmes auraient pâti de la pleine application de cette loi, voyant leurs droits fondamentaux réduits à néant : les fonctionnaires, menacés de mesures de rétorsion s’ils n’obéissaient pas à des ordres manifestement anticonstitutionnels ; la justice, totalement subordonnée au bon vouloir de l’exécutif, ce qui aurait annulé le principe de séparation des pouvoirs ; le refus de la citoyenneté catalane aux anciens fonctionnaires d’État ainsi qu’à ceux qui s’étaient engagés dans l’armée ou les forces de l’ordre espagnoles, en faisant ainsi des étrangers dans leur propre pays ; l’interdiction de tous les partis politiques visant au retour d’une Catalogne indépendante dans le giron de l’Espagne (et donc de tout référendum d’autodétermination, ce qui est un comble), etc.
En somme, les responsables séparatistes catalans préparaient une république indépendante bien peu démocratique et totalement soumise à leurs desiderata.
Cela ne leur permet guère aujourd’hui de donner des leçons de démocratie à la terre entière – et en particulier à l’État espagnol…
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